«Je voudrois premierement bien sçavoir ma langue» affirme Montaigne dans le chapitre I, 26 de ses Essais, faisant planer le doute sur la connaissance complète de sa propre langue. Au-delà des opinions personnelles, qu’elles soient de Montaigne ou de ses lecteurs, il y a une vérité incontestable : la magie des Essais dépend surtout de la langue de Montaigne, de l’organisation de ses phrases et de l’argumentation de sa pensée. Il est incorrect d’appeler cela simplement de la maîtrise rhétorique, car il y a bien davantage, il y a bien plus que ce que Montaigne lui-même admet dans son oeuvre. Le projet des Essais, la vision des Essais, pourrionsnous dire, passe forcément par la forme linguistique, par l’écriture de Montaigne. Cette étude n’entend pas proposer de lecture univoque, ce qui serait impossible. Elle veut plutôt proposer des réflexions, lancer des pistes de recherche, analyser un certain nombre d’éléments concernant la langue de Montaigne. Le titre, qui reprend le mot « essais », suggère d’appliquer la méthode de l’exagium, de la preuve, de l’expérience, comme Montaigne nous l’a enseigné.